République universaliste et statistiques ethniques
Ambition générale
Le projet RUSE (« République Universaliste et Statistiques Ethniques ») s’inscrit dans un espace de controverse sur les statistiques ethniques en France ; un clivage qui est apparu, au cours des vingt dernières années, autour de la possibilité ou de l’interdiction de produire et de diffuser des chiffres officiels portant sur les origines « ethniques » ou « raciales » et les appartenances confessionnelles, donc de dépasser le seul critère autorisé, en France, lors des recensements : le critère juridique de la nationalité. En effet, depuis plusieurs années, les uns estiment que la statistique ethnique constitue un levier d’action politique permettant de mieux connaître les discriminations (par exemple à l’embauche, au logement …) dont certaines « minorités » sont susceptibles de faire l’objet (Simon, 2015 a & b, Tribalat, 2016), donc d’agir en faveur de la lutte contre les discriminations en ne point risquant de les laisser être dissoutes dans les politiques de l’intégration (Mazouz, 2017). A l’inverse, d’autres, notamment les membres de la CARSED (Commission Alternative de Réflexion sur les Statistiques Ethniques et les Discriminations), soutiennent qu’il s’agirait d’un véritable « retour de la race » (Collectif, 2009), dans la mesure où le fait de compter et de classer va au-delà de l’instrument de mesure : mesurer des groupes « ethniques » et/ou « raciaux », c’est prendre le risque d’enraciner des classifications ethno-raciales dans la société, donc d’ethniciser ou de racialiser les rapports sociaux en fossilisant des différences qui ont vocation à progressivement disparaître (processus d’intégration voir, à plus long terme, d’assimilation). Entre ces deux points de vue, il existe des tentatives de construire des indicateurs plus « raisonnés » de lutte contre les discriminations, par exemple en ne retenant que le pays d’origine ou la nationalité des ascendants. En effet, cette solution permet, à moyen terme, de ne pas « fossiliser » les différences, puisqu’avec le mécanisme du droit du sol adopté et appliqué en France depuis 1889, les enfants nés en France de parents nés étrangers à l’étranger (les « immigrés ») deviennent français à leur majorité ; ainsi, puisque leurs enfants naissent de parents français, la question de leur origine étrangère a vocation à progressivement disparaître des statistiques officielles (Weil, 2005). On le voit : la question du comptage de la population constitue un véritable enjeu politique à l’heure où les débats sur l’immigration oscillent souvent entre déni et contresens (Héran, 2023 ; Savarese, 2023).
Cette controverse récente autour des statistiques ethniques dépasse aussi l’enjeu technique de l’instrument de mesure, puisque cela implique un point de vue sur le « vivre ensemble », donc sur la citoyenneté. En outre, il faut mentionner qu’elle ne fait sens que dans les pays où, comme la France, l’Allemagne où l’Italie, la production de statistiques ethniques est interdite aux organismes officiels comme l’INSEE, puisqu’elles y sont considérées incompatibles avec le modèle républicain universaliste de citoyenneté. A l’inverse, dans les pays où le modèle multiculturel a été adopté, des statistiques ethniques existent, comme c’est le cas en Angleterre, aux Etats-Unis, ou au Canada. S’agissant, plus précisément, de la France, le modèle républicain de citoyenneté élaboré sous la IIIe République, et sans cesse réaffirmé depuis, en dépit de nombreuses controverses (Nicolet, 1994), possède trois caractéristiques. Il est tout d’abord individualiste, au sens où les droits ne peuvent être attribués qu’à des individus, ce qui explique que les minorités ne soient pas juridiquement reconnues ; il est également universaliste, dès lors que les individus sont définis comme universellement égaux en droit ; il est enfin laïque, au sens où l’État est neutre en matière confessionnelle, et s’engage à protéger la liberté de conscience et de cultes, qui relèvent à partir de 1905 du libre choix individuel – la religion devenant alors une affaire privée. Dans ces conditions, il ne saurait être question de dénombrer des groupes d’individus sur des critères ethniques, raciaux ou confessionnels, puisque ces caractéristiques n’ont aucun rapport avec l’attribution des droits civils, sociaux ou politiques qui sont associés à la citoyenneté en France.
C’est la raison pour laquelle l’émergence, dans les vingt dernières années, d’une véritable controverse autours des usages politiques des statistiques ethniques (la lutte contre les discriminations que ces statistiques permettraient de mieux connaitre, donc de mieux combattre) et les risques associés à la production officielle de telles données chiffrées (l’ethnicisation ou la racialisation durable de la société française), doit être expliquée. Non point, ici, en faisant la sociologie des acteurs de cette controverse ou la cartographie de la circulation des idées, mais en considérant l’histoire comme une « boussole » permettant de mieux envisager la question. En effet, il s’agit ici de déplacer le regard depuis la France métropolitaine actuelle vers la France coloniale, et plus particulièrement vers l’Algérie coloniale où, en dépit de la volonté exprimée de décalque des institutions métropolitaines au sein d’une colonie longtemps considérée comme une « deuxième France », des statistiques ethniques ont bel et bien été instaurées à la suite de plusieurs dispositions permettant de classer les populations de la colonie. Pour résumer, dès 1830, et alors qu’il n’existe pas encore de projet de colonisation de peuplement, sont distingués par décret les « européens » (Français par le droit du sang instauré par Napoléon, où étrangers pour ceux qui vont progressivement peupler la colonie, en provenance de pays du pourtour méditerranéen) et les « indigènes » (juifs ou musulmans, distingués eux par leur appartenance confessionnelle). A la suite, Napoléon III, informé par les Saints Simoniens et souhaitant renforcer les moyens du gouvernement de l’État colonisateur en Algérie, produit, via le Sénatus Consulte de 1860 la distinction entre Français non citoyens (la nationalité sans la citoyenneté, donc sans le droit de vote, qui concerne les indigènes juifs et les musulmans) et Français citoyens (la nationalité associée à la citoyenneté, pour les Français, puis les européens susceptibles d’être naturalisés). Mais dès lors que les indigènes de confession juive deviennent collectivement Français citoyens en 1870 (décret Crémieux), et que la loi de 1889 sur le droit du sol contient des dispositions pour naturaliser plus rapidement les « européens », fin XIXe début XXe, vont durablement coexister dans la colonie deux catégories de population : les Français citoyens (ceux qui l’étaient déjà, les anciens indigènes de confession juive, et les « européens » progressivement naturalisés), et les Français non citoyens (les Français de confession musulmane, qui n’accèdent à la pleine citoyenneté que pendant la guerre d’Algérie, en 1958). Les classifications inscrites dans la législation coloniale avaient donc conduit à créer deux statut juridiques (nationaux citoyens et nationaux non citoyens) pour regrouper des populations initialement plus nombreuses.
Or, cette distinction binaire entre deux catégories de population (Français citoyens et Français non citoyens) ne se retrouve pas dans les opérations officielles de dénombrement des populations, régulièrement retranscrites dans le Tableau général des communes d’Algérie. En effet, les populations y sont distinguées non pas selon les critères de la nationalité et de la citoyenneté, objectivés par la législation coloniale, mais selon des critères à la fois juridiques et ethno-confessionnels, puisque sont recensées les « Français » (nationaux et citoyens), les « indigènes musulmans » (nationaux non citoyens de confession musulmane), les « israélites naturalisés » (nationaux citoyens de confession juive), les étrangers d’origine européenne et les étrangers originaires du Maghreb (marocains et tunisiens). C’est la raison pour laquelle l’Algérie coloniale constitue un singulier case study, à notre connaissance unique, d’instauration d’une statistique ethnique au sein d’un État colonisateur sans cesse appliqué à réaffirmer – sans toutefois toujours œuvrer à les mettre en œuvre – des principes républicains et assimilationnistes.
D’où l’intérêt de questionner un cas qui se trouve bel et bien en décalage avec le modèle de citoyenneté, dans le cadre d’une démarche de type présent – passé – présent (Braudel, 1969), qui s’inscrit dans la perspective d’une socio-histoire (Noiriel, 2008) de la statistique ethnique dans l’Algérie coloniale : construite au présent, en partant de la controverse sur les statistiques ethniques dans la France contemporaine, il s’agit d’interroger la question au passé, sur le terrain colonial algérien qui offre un cas d’étude original et peu étudié, pour mieux envisager le sens qu’elle peut revêtir et proposer une meilleure compréhension des controverses du temps présent.
Thème(s) et question(s) abordé(s)
D’où la question de recherche qu’il s’agit de traiter : comment expliquer l’émergence, au sein d’une République universaliste, d’une statistique ethnique en principe incompatible avec le modèle républicain de citoyenneté ? Par hypothèse, peut-on l’expliquer par dérogation aux principes républicains compte tenu des caractéristiques de la situation coloniale (code de l’indigénat, dissociation de la nationalité et de la citoyenneté qui fait sens quand le processus de construction de l’État nation est achevé, fin XIXe) ? Par la volonté de ne point dissoudre, probablement sous la pression des « colons » (Ageron, 1978), la question de l’indigénat, qui demeure le principal enjeu auquel sont confrontées historiquement l’ensemble des colonies de peuplement (Veracini, 2010), et cela s’agissant des anciennes colonies Françaises (Algérie, Nouvelle Calédonie) comme des anciennes colonies étrangères (Australie, Amérique Latine) ? Par soucis de mieux contrôler les territoires et les différentes populations de la colonie alors que le pouvoir colonial reste, « structurellement », un « pouvoir faible » (Cooper, 2005), en faisant de la statistique une science de gouvernement ou science camérale (Ihl, Kaluzinski, Pollet, 2003) ?
Cette expérience largement « oubliée » mérite un examen approfondi, pour deux raisons. D’une part, parce que le développement des connaissances sur les anciennes colonies de peuplement a permis de déchiffrer les différentes modalités de dissolution de la question de l’indigénat – enfermement dans des réserves, ethnocides, élimination physique, camps de regroupements comme ce fut le cas pendant la guerre d’Algérie (Sacriste, 2022), mais également accès à la pleine citoyenneté – alors que la statistique ethnique enregistre et mesure les différences. Et d’autre part, en ce sens que la question de la gestion de la diversité culturelle et confessionnelle, dans les anciennes métropoles et en réverbération avec les anciennes colonies, fait aujourd’hui sens dans toutes les démocraties occidentales, quels que soient les modèles de citoyenneté qui sont adoptés (Joppke, 2010). Ainsi, les régimes multiculturels adoptent parfois des mesures plutôt assimilationnistes, comme l’obligation faites aux immigrés de suivre des cours de langue aux Pays – Bas (Constant, 2000), et les régimes universalistes cherchent aussi des ajustements en adoptant de mesures plus particularistes comme le montrent les multiples lois mémorielles adoptées, depuis une trentaine d’années en France, sur les juifs, les descendants d’esclaves, les rapatriés, les Arméniens ou encore les harkis (Savarese, 2020). De la sorte, l’expérience de l’instauration d’une statistique ethnique dans l’Algérie coloniale, qui constitue historiquement un véritable cas négatif, doit être interrogée pour tenter de produire une meilleure compréhension de controverses saisies au présent, en particulier celle sur les statistiques ethniques en France. Construire une citoyenneté correspond toujours, dans les anciennes métropoles comme sur le terrain colonial (De Mari, Savarese, 2019), à tracer une frontière entre inclusion et exclusion, en précisant les conditions de l’appartenance à la communauté de citoyens. A l’inverse, il s’agit ici de comprendre ce que c’est que définir et mesurer l’indigénat à partir d’une statistique ethnique, et comment les effets d’une telle statistique sur les rapports sociaux et les choix politiques – refus récurrent de l’accession à la citoyenneté, expression spécifique de l’antisémitisme, qui ne constitue ni une propriété de la « situation coloniale » (Balandier, 1951), ni une spécificité l’Algérie coloniale (Savarese, 2019) – peuvent-ils être sinon « mesurés », du moins identifiés. C’est donc la sociogenèse, les usages pratiques et les effets d’un instrument de mesure dans l’ancienne colonie qui sont ici visés, pour mieux comprendre les enjeux au présent.
Méthodologie et approche
1/ De la sorte, il convient d’abord de faire la « sociogenèse » de la statistique ethnique dans l’Algérie coloniale : dans quel contexte a-t-elle été instaurée dès 1830 et conservée sous la troisième République malgré la promotion du modèle individualiste et universaliste de citoyenneté, quels en furent ses éventuels promoteurs ou détracteurs, quelles étaient leurs propriétés sociales et leurs positions institutionnelles dans l’ancienne métropole ou dans la colonie, leurs intérêts et stratégies, leurs alliances et réseaux de relations. L’identification des acteurs impliqués et des facteurs favorables (analyse processuelle) à l’instauration des statistiques ethniques doit être réalisé en croisant les décisions du gouvernement général de la colonie, disponibles au Centre des Archives d’Outre-Mer (Aix-en-Provence), avec les ressources et les trajectoires des acteurs impliqués, dont la plupart sont recensés dans la bibliothèque de l’ancienne école coloniale (fondée en 1889 par Auguste Pavie pour former les futurs cadres de l’empire), et dont les décisions sont également commentés dans la presse coloniale – ces deux dernières sources, spécialement la première, étant également disponibles aux Centre des Archives d’Outre-Mer.
2/ Il convient ensuite de définir comment elle a été instaurée et réalisée en pratique, en identifiant, au-delà des catégories de population déjà identifiées, quelles ont été les procédures de comptage des populations. Depuis 1801, la population française est régulièrement recensée, ce qui vaut pour l’Algérie coloniale ou 19 recensements de population ont été réalisés entre 1830 et 1962. Le gouvernement général de l’Algérie s’y efforce de demander à l’administration de calquer la méthode de comptage sur les instructions données en métropole. Or, en territoire militaire, les populations indigènes sont estimées à partir du comptage des tribus constituées, et ainsi les adaptations se font à l’échelon local, au moins jusqu’au passage au régime civil (1970), où la méthode utilisée en métropole est reprise (Kateb, 1998). Or, la statistique ethnique, telle qu’elle est réalisée dans les pays ayant adopté un modèle multiculturel de citoyenneté suppose que ce soient les individus recensés qui précisent leur propres appartenances ethniques, raciales ou confessionnelles (Schor, 2009 ; Kertzer, Arel, 2009 ; Perlmann, 2018), alors que le recensement réalisé en métropole, avec un modèle universaliste, ne porte que sur des critères « objectifs » (âge, sexe, profession puis catégorie socioprofessionnelle, nationalité, type de résidence), qui sont identifiés à partir de questions posées par l’enquêteur. Dans ces conditions, les archives des bureau arabes et des administrations militaires, également disponibles au Centre des Archives d’Outre-Mer, saisies au moment des périodes de recensement, doivent être exploitées pour établir comment la méthode de recensement de la métropole est susceptible d’être localement adaptée : la définition de la catégorie ethnique ou raciale et de l’appartenance est-elle produite par l’enquêteur, comme en France métropolitaine, ou par l’enquêté, comme c’est le cas dans les pays utilisant des statistiques ethniques ? Le gouvernement colonial aurait-il été amené à des aménagements originaux ou singuliers – en fonction des territoires, civils et militaires, et des périodes (régime du sabre, passage au régime civil) pour procéder aux 19 opérations de recensement enregistrées entre 1930 de 1962 ?
3/ Il convient enfin de se demander dans quelle mesure cette statistique a contribué à l’ethnicisation ou à la racialisation de la société coloniale. Une telles ethnicisation/racialisation ne fait guère de doute, dès lors que les acteurs y sont régulièrement désignés comme « Français », « européens », « juifs » ou « arabes » (Lorcin, 1999), plutôt que par leurs statuts socioprofessionnels. Pour autant, d’autres éléments concourent à cette dynamique, en particulier l’idéologie ou l’imaginaire colonial, à travers lequel les différences entre les composantes de la société coloniale rendent surtout compte d’écarts de civilisation supposés (par exemple entre les « kabyles » et les « arabes », les premiers étant considérés comme plus proche des Français, même si les uns et les autres sont considérés en situation d’infériorité par rapport aux Français citoyens). Interroger les effets de la statistique coloniale sur la société algérienne suppose donc d’identifier des espaces d’expression de cette différence, comme les consultations électorales, déjà étudiées à d’Oran (Savarese, 2016) en raison de la présence des archives électorales de ce département au Centre des Archives d’Outre-Mer. D’autres espaces où s’exprime la racialisation de la société, comme les dépôts de plaintes et décisions de justice (appartenant également aux « archives de souveraineté » et ainsi intégralement disponibles à Aix-en-Provence), pourront être abordés pour enrichir ces analyses.
Ces trois ensembles de questions doivent faire l’objet – par estimation, et compte tenu de notre relative connaissance des fonds disponibles – de quelque deux mois de travail consacré au dépouillement des archives et sources listées ci-dessus, organisés, compte tenu du calendrier universitaire d’un enseignant chercheur, en plusieurs séjours d’une à deux semaines de travail (des durées inférieures étant, par expérience, souvent improductives). Le mois de juillet offrant la possibilité de réaliser deux semaines de travail en archive, et les semaines d’interruption de cours étant dédies à compléter, on proposera à la suite le calendrier des opérations de recherche et de discussion suivant.
Impact et retombées potentielles
1/ S’agissant des séjours au Centre des Archives d’Outre-Mer, nous prévoyons deux semaines en juillet 2024, une lors de l’interruption des enseignements en novembre 2024, une semaine fin décembre 2024, une semaine lors de l’interruption des enseignements en avril 2025, le reste en juillet 2025. Le rythme des avancées du projet pourra conditionner d’éventuels ajustements et visites supplémentaires des archives, notamment au second semestre 2025, compte tenu du fait que l’essentiel de nos enseignements sont dispensés au premier semestre.
2/ Dans l’intervalle, nous organiserons un séminaire de recherche exploratoire à Montpellier entre janvier et juin 2025, pour y recevoir un collègue Algérien du CRASC (Centre de Recherches en Anthropologie Sociale et Culturelle, Oran), ainsi que plusieurs spécialistes Français et étrangers des opérations de comptage et de recensement des populations. Ces séances permettront de discuter des premiers résultats de notre travail, de le confronter à la présentation d’enquêtes portant sur l’Algérie mais également sur d’autres pays européens, et d’envisager la faisabilité d’un projet de recherche comparatif sur les controverses sur les statistiques ethniques dans des contextes variés. Nous entendons également présenter les résultats de nos recherches à Oran, auprès des collègues du CRASC, laboratoire avec lequel notre propre laboratoire a récemment finalisé un accord pluriannuel de partenariat scientifique et pédagogique.
3/ Le travail d’enquête en archives proposé doit déboucher sur la publication d’un travail de recherche sur la sociohistoire des statistiques ethniques qui, partant de ses applications dans les pays ayant adopté un régime multiculturel de citoyenneté, et des controverses sur le sujet dans les pays ayant choisi un modèle universalise, puisse rendre compte des apports du cas colonial algérien à la sociologie de ces controverses. Il pourra prendre la forme d’un ouvrage de recherche en nom propre, où de la coordination (seul ou associé à un.e collègue) d’un numéro de revue à comité de lecture en fonction des résultats présentés lors du séminaire que nous souhaitons organiser – et auquel nous proposerons à un.e ou plusieurs étudiant.e.s inscrit.e.s en Master recherche de participer.
4/ En effet, étant responsable d’un enseignement d’épistémologie et méthode de la recherche en sciences sociales dispensé en Master mention Politique comparée, parcours Politique et Action Publique Comparée, nous proposerons d’encadrer un mémoire de recherche, réalisé par un.e étudiant.e, dans le cadre d’un stage en laboratoire devenu obligatoire depuis que ce Master a intégré le programme IDIL, sur la sociologie de la controverse sur les statistiques ethniques en France, qui pourra être adossé au travail d’enquête que nous souhaitons réalisé à la faveur d’un détour historique vers son application dans l’Algérie coloniale.
Résumé du projet en français
Partant de la controverse récente sur l’éventualité de recenser la population française en introduisant des statistiques ethniques, il s’agit de procéder au détour par l’Algérie coloniale pour tirer parti d’une expérience originale : l’instauration de statistiques ethniques pour dénombrer les populations de l’ancienne colonie. Cela constitue un exemple singulier dans la mesure où le modèle républicain de citoyenneté, qui ne reconnait que l’universalité des individus, est à priori incompatible avec les statistiques ethniques, qui ne concernent en principe que les pays ayant adopté un modèle de citoyenneté multiculturel. La sociogenèse de la statistique ethnique dans l’Algérie coloniale peut ainsi être triplement questionnée en tentant d’identifier les conditions de son instauration, les conditions pratiques de son application (comment recenser) et les effets de la technique de mesure sur la dynamique d’ethnicisation/racialisation des populations de la colonie, pour mieux saisir les enjeux de classification de la population française au présent. Ce travail repose sur le dépouillement d’archives disponibles au Centre des Archives d’Outre-Mer.