Soutenance de Thèse de Magali Camelio-Aubac

Madame Magali CAMELIO-AUBAC a soutenu publiquement ses travaux de thèse intitulés « Le travall de l’infirmière libérale au prisme du smartphone« , dirigés par Monsieur Laurent Visier, le jeudi 12 décembre 2024 à 14h00, au 2 rue de l’école de médecine 34000 Montpellier, Salle du Conseil.

Composition du jury proposé

M. Laurent VISIER – Université de Montpellier – Directeur de thèse

Mme Aurore MARGAT – Université Sorbonne Paris Nord – Rapporteure

M. Olivier COUSIN – Université de Bordeaux – Rapporteur

Mme Geneviève ZOÏA – Université de Montpellier – Examinatrice

Résumé :

Il y a près de 99 000 infirmières en exercice libéral en France, pourtant cette population a été peu étudiée par les chercheurs en sciences humaines et sociales, une partie de leur travail reste donc invisible. Afin d’explorer les interactions sociales des infirmières libérales, nous avons choisi d’utiliser un objet du quotidien le smartphone. Cet objet hybride a colonisé notre vie, presque 87% des Français en sont équipés. Il est devenu la porte d’entrée des communications. Le smartphone est un amplificateur de signaux et de compétences. C’est également un artefact qui modifie la nature des tâches réalisées par l’humain. Dans cette recherche exploratoire, nous étudierons plus précisément les caractéristiques des infirmières libérales, leur histoire, ce qui les différencie des infirmières hospitalières, mais surtout nous explorerons ce que le téléphone portable révèle de leur travail. Comment utilisent-elles le smartphone ? Cet artefact cognitif modifie-t-il leur rapport au temps, leur quotidien, leurs interactions avec les patients et les autres soignants? Grâce à des observations ethnologiques de tournées infirmières, des entretiens sociologiques et des sondages sur les réseaux sociaux, la méthode de la théorisation ancrée nous a permis de découvrir certaines facettes de l’exercice libéral infirmier. Dans une approche interactionniste, nous étudierons, à travers le prisme du smartphone, les relations des infirmières libérales avec les patients et les autres acteurs du soin à domicile. Le smartphone pose la question de l’évolution des codes de civilité régissant le premier contact et l’ensemble de la relation de soin. La présentation de soi est modifiée lorsqu’elle passe par le filtre écrit du SMS ou de l’e-mail. Elle est privée de ses attributs non verbaux, mais enrichie de nouvelles fonctionnalités telles que les émoticônes ou la traçabilité des échanges. Le smartphone laisse, aussi, percevoir les valeurs et les enjeux de pouvoir sous-tendant la sélection de la patientèle par les infirmiers libéraux, lors de la prise de rendez-vous. Les relations de pouvoir entre professionnels sont également révélées par cet outil technologique. Il ne modifie pas la nature des relations professionnelles mais offre de nouvelles opportunités de communication dont les acteurs se saisissent pour négocier les frontières de leurs territoires respectifs. En permettant d’être joignable en tout temps et en tout lieu, cet artefact a estompé les séparations traditionnelles entre les espace- temps professionnels et personnels. Le smartphone invite les nombreuses sollicitations extérieures dans la vie privée des infirmières et au domicile des patients. Elles sont tiraillées entre leurs différents rôles publics et privés. Nous étudierons les tactiques mises en place par les infirmières pour résoudre cette équation. Puis, nous réaliserons un focus sur les transmissions qui sont un temps important de la socialisation secondaire des infirmières. Les modalités de relève sont très diverses, les infirmiers libéraux utilisent les différents canaux de communication profanes qui leur sont offerts par ce nouvel acteur qu’est le smartphone. En mélangeant les fonctionnalités écrites, messages oraux, émoticônes et images, le smartphone s’inscrit dans la raison graphique de Jack Goody. Enfin, nous évoquerons l’utilisation du réseau Internet, dont la plateforme YouTube, pour l’acquisition et la mise à jour des savoirs infirmiers. Ce nouveau mode d’apprentissage s’associe de manière subtile à la tradition de diffusion orale du savoir chez les infirmières.